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17 mars 2011 - 6èmes Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée (RIMM)

[Extraits du discours prononcé par le Consul honoraire du Liban à Monaco, à la Chambre de commerce et d'industrie de Beyrouth (CCIB), dans le cadre de la visite officielle du Prince Albert II de Monaco au Liban.]

 

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Il m’est très agréable de me trouver parmi vous en ce lieu mythique chargé de symboles, à l’occasion des VIèmes Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée. Je voudrais, en ma qualité de partenaire, exprimer l’immense plaisir que je ressens aujourd’hui, en participant au lancement de ces trois journées d’échanges, axées sur une thématique qui prend ses racines en Méditerranée. Le rôle civilisateur de « la Mer Blanche du Milieu », comme on l’appelle chez nous, est l’objet de cette nouvelle édition. Il sera largement développé au cours des diverses interventions prévues au programme des R.I.M.M. de cette année.

 

Je voudrais, tout d’abord, dire mon admiration à la présidente des Rencontres, Madame Élisabeth Bréaud, ainsi qu’à l’ensemble de son équipe, pour l’appréciable effort qu’ils ont déployé afin de rendre possible la tenue de ce forum, malgré les circonstances extrêmement difficiles que traverse la rive sud du bassin méditerranéen.

 

Mes hommages vont également à mon ami Robert Calcagno pour sa précieuse contribution à la réussite de cet événement.
Pour les Rencontres 2011, les organisateurs ont aussi souhaité mettre le pays du Cèdre à l’honneur. Les Libanais de Monaco et d’ailleurs voient en cette initiative un geste d’amitié et de reconnaissance envers un pays qui, tout au long de son histoire, a joué un rôle de premier plan dans la naissance, l’épanouissement, et la diffusion de cette étonnante civilisation méditerranéenne. Une civilisation qui fait de nous - comme l’écrivait l’universitaire libanais Joseph Maila - « les dépositaires d’un héritage où l’alphabet fut phénicien, le concept grec, le droit romain, le monothéisme sémite, l’ingéniosité punique, la munificence byzantine, la science arabe, la puissance ottomane, la coexistence andalouse, la sensibilité italienne, l’aventure catalane, la liberté française et l’éternité égyptienne ».

 

Cette synthèse, aussi concise que lumineuse sur la civilisation méditerranéenne, qui n’en est pas une seule, mais plusieurs superposées, me donne l’occasion de souligner le rôle spécifique du Liban dans cette aventure civilisatrice partie de Méditerranée à la conquête du monde. Les Libanais eux furent des éclaireurs plutôt que des conquérants, des pédagogues bienfaisants plutôt que des colonialistes avides. Ils ont essaimé leur culture, leur savoir-faire et leur esprit à travers le monde ; mais c’est autour de la Méditerranée que la civilisation libanaise a été le plus retentissante tout au long de l’histoire.

 

Le Liban est fier de ses héritages et de la richesse de son apport à l’histoire des civilisations. Il a joué à travers les âges un rôle primordial. Il a contribué activement et efficacement à élever un gigantesque monument à l’esprit humain dans son rôle civilisateur et cela dans presque tous les domaines :

 

  • En agriculture, les Phéniciens ont développé des méthodes de culture sophistiquées qu’ils ont pratiquées à Carthage et dans d’autres colonies avant qu’elles ne se propagent à l’ensemble de la Méditerranée.
  • L’architecture libanaise a grandement contribué à développer et enrichir l’architecture dans le monde. Les habitations en hauteur sont bien nées à Tyr il y a plu de 2 mille ans et la première maison en pierre taillée fut bâtie par un homme de Byblos.
  • Le navire et la navigation sont nés sur la côte libanaise ; le premier homme qui s’est hasardé à monter sur une planche pour se déplacer en mer fut Libanais. Durant des siècles, le Liban, dans la métropole aussi bien que dans les colonies, domina la mer. Le simple fait que le bateau soit une création libanaise est en lui-même grandiose ; mais plus grandiose encore est l’influence exercée par l’invention du bateau et ses conséquences incalculables.
  • Le Liban a joué un rôle primordial dans la création et l’organisation de la cité, aussi bien antique que moderne ; il pratiqua dès l’antiquité un étonnant urbanisme et instaura constitutions et lois.
  • Les Phéniciens se sont occupés de médecine et furent les plus grands exportateurs de médicaments de l’antiquité.
  • Le Libanais fut un homme de culture et son rôle triple : Il a d’abord inventé l’alphabet, Il a ensuite contribué à créer le livre et à le placer en bibliothèque pour le léguer à l’avenir. Enfin, il a enseigné à d’autres à lire, à écrire, et à composer. Il a aussi donné au livre son nom biblion qui tire son origine de la ville de Byblos.
  • Le Libanais a été le premier à pratiquer la métallurgie. Il a également travaillé le verre et l’a utilisé dans la bijouterie. La pourpre, teinture rouge issue du murex très répandue dans l’antiquité est née au Liban.
  • Mais c’est dans le commerce que les Libanais se sont particulièrement distingués. La Bible a gardé une page du prophète Ezéchiel décrivant la ville de Tyr, sa richesse, sa puissance, son économie, ses relations qui, illustrée par un croquis, nous montre une ville qui est le foyer d’une lentille convergente.
  • Quant à la pensée libanaise, elle s’est répandue dès l’antiquité à travers les âges en donnant à la science ses lettres de noblesse avec Thalès et Pythagore qui ont apporté de la côte phénicienne la pensée systématisée longuement préparée par les écoles de Tyr et de Sidon ; et à la philosophie son caractère intemporel avec le père du stoïcisme Zénon et le fondateur du néoplatonisme Porphyre, sommets de la pensée humaine du monde ancien.
  • Le peuple libanais est un des rares peuples qui s’est exprimé poétiquement au long des âges, en plusieurs langues, pour chanter sa joie ou sa tristesse et conter ses aventures heureuses ou malheureuses.

 

Mais le temps emporte avec lui les peuples et leurs civilisations. Par le fait même, les langues disparaissent ou évoluent ou se remplacent. Le Liban est un témoin vivant de ce phénomène. Le phénicien a cédé la place au grec, puis au latin, puis aux langues modernes, anglais et français. Les Libanais se sont adaptés à toutes ces langues, ils les ont utilisées comme des instruments scientifiques pour exprimer leurs idées ou leurs sentiments. Plus proche de nous, au XXème siècle, des Libanais ont écrit en anglais avec Amine Al Rihani, Gibran Khalil Gibran avec son chef d’œuvre : le Prophète ; et en français avec Farjallah Hayek, Hector Khlat, Georges Schéhadé ou Charles Corm. Et plus récemment Amin Maalouf lauréat du Goncourt, Andrée Chédid, Vénus Gatta-Khoury ; mais la liste est longue pour ne pouvoir tous les citer.

 

L’écriture a été un vecteur essentiel dans la propagation de la culture libanaise ; mais les choses ne sauraient s’arrêter à ce niveau seulement. Dans un monde aujourd’hui globalisé et où la composante économique est mise en exergue, le Libanais a su s’adapter et s’intégrer, apportant son savoir-faire et son originalité au service de l’homme moderne et de ses besoins grandissants.

 

Fort d’une des plus importantes diasporas du monde, le Libanais continue d’insuffler son esprit et sa spécificité historique aux quatre coins du globe, et ce, dans tous les domaines d’activité : Dans le monde des affaires, dans celui de la science et de la médecine, dans celui de l’art et de l’éducation ainsi que dans la politique : Au plus haut niveau, vous trouverez toujours des Libanais qui ont marqué de leur empreinte la discipline. La présence parmi nous d’éminents conférenciers comme Ghassan Salamé, Alexandre Najjar, Zeina El-Tibi, Georges Zouein ou Fadi Comair témoigne de l’ouverture culturelle séculaire de ce peuple au reste du monde et à ses préoccupations majeures.

 

Décidément, le Liban vieux de six mille ans, ne fait pas son âge. Pour les générations contemporaines, l’idée prévaut souvent que le Liban est une réalité récente, issue d’une multiplicité communautaire. Le Liban a des racines ancrées dans l’Histoire et beaucoup de ses éléments iconographiques sont antérieurs aux communautés qui le composent. En effet, le Liban contemporain, six fois millénaire, se veut de plus en plus rajeuni. C’est peut-être l’âge de sécurité et de paix qui font carence et qu’il devrait à juste titre aujourd’hui revendiquer.
Le Liban a toujours été un pays de contrastes, un pays de convergences géographique, économique et culturelle ; un carrefour de continents. Son identité est dans le multilinguisme, dans la cohabitation des cultes et des origines : ces atouts, propres au Liban et a son histoire, s’inscrivent parfaitement dans le rôle civilisateur que pourrait et devrait rejouer la Méditerranée aujourd’hui. Elle fut le berceau de l’humanité, elle devient son épicentre. Les ondes de choc des secousses politiques et sociales qui ont frappé sa rive sud ces dernières semaines touchent maintenant des contrées de plus en plus éloignées.

 

Dans ce contexte géopolitique mondial chargé, la Méditerranée devrait devenir le creuset d’une réflexion continue et approfondie. C’est en tout cas la vocation première de ce forum.
Oui, la Méditerranée peut réduire le clivage Nord-Sud dont elle se trouve être le confluent. Oui, elle peut faciliter le dialogue des civilisations, nécessaire au rapprochement entre Islam et Occident ; un clivage encore plus menaçant car il revêt une dimension passionnelle et mystique.

 

Madame la Présidente, Monsieur le Directeur général, encore une fois merci pour l’opportunité qui nous est donnée d’être face à un panel d’éminents experts venus nous parler de cette belle et riche civilisation méditerranéenne, de ses perspectives et de ses espérances.
Je ne peux terminer mon message sans redire tout le plaisir que mes compatriotes et moi-même ressentons de voir notre pays mis à l’honneur durant un pareil événement. Le Liban mérite d’être soutenu et préservé. Le monde libre a besoin qu’un tel exemple de coexistence entre diverses communautés survive.

 

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